samedi 3 mai 2014

Le Naufrage

C’était la saison de la mousson et nous étions quatre dans cette pirogue à moteur. Il y avait une bâche pour nous abriter du vent et de la pluie, si nécessaire. Nos valises étaient entassées au fond du bateau. Elles y étaient par erreur, car elles auraient dû suivre par la route, dans un minibus. Il y avait aussi avec nous un militaire sensé nous protéger contre une éventuelle attaque de bandits. Nous n’étions pas loin du Triangle d’Or, plaque tournante du trafic d’opium. Il était donc en alerte, son fusil pointé sur l’horizon.
Nous naviguions sur le Mekong, en Thailande, entre Chang Maï  et Chang Raï pour visiter les différentes ethnies établies le long du fleuve. Ce fut donc après une escale, nous étions déjà remontés dans la pirogue, que le moteur refusa de démarrer. Il faut préciser qu’il n’y avait pas de rames à bord. Notre batelier fit des efforts désespérés, en vain, et il perdit le contrôle de la pirogue qui se cassa en deux, en heurtant des rochers et des branchages au milieu du fleuve. Nous sommes tous tombés à l’eau, les valises aussi. Le militaire nagea vers le bord, tenant son fusil au dessus de sa tête, suivi de l’un d’autre nous qu’il désigna comme assistant. Il devait chercher du secours et il fallait que quelqu’un d’autre tienne le fusil toujours pointé sur le Triangle d’Or. Nous étions restés trois, accrochés à l’épave, battus par le courant qui tournoyait autour des rochers et branchages. Quant à moi, j’avais les jambes entravées par les branches, je ne pouvais plus bouger. Le temps s’étirait à l’infini – nous étions seuls, sans espoir. Il y avait des mots qui m’arrivaient de part et d’autre de mes compagnons de détresse « tiens bon, courage ». D’un coup, ne pouvant plus, je lâchais prise et je partis en arrière, la tête sous l’eau, les yeux grands ouverts, et je ne sais par quel miracle, n’avalant pas d’eau, ni par le nez ni par la bouche. J’étais d’un calme incroyable, sereine, résignée à mourir. Persuadée de vivre mes derniers instants, j’ai eu une pensée pour ma mère et mes enfants qui auraient eu encore besoin de moi. Soudain, une main ma saisit par le col de ma chemise et me tira vers le haut. On me hissa dans une embarcation venue à notre secours. Au passage, dans la manœuvre, j’au eu trois côtes fêlées. Nous étions tous sauvés et le militaire sauta à l’eau malgré mes protestations pour repêcher nos valises.
On nous conduisit à Chang Raï, dans le bel hôtel où nous avions réservé des chambres. Il y avait un couloir interminable de l’entrée à l’accueil que notre petite troupe franchit difficilement. Nous étions trempés et misérables. Les gens, massés des deus côtés, nous regardaient yeux écarquillés, et le rire s’élevait, incontrôlable. Nous avons passés la nuit à sécher nos affaires avec un sèche-cheveux : passeports, billets d’avion, dollars etc . L’étape suivante devait être la rivière Kwaï,  là où avait été tourné le film «  LE PONT DE LA RIVIERE KWAÏ ». Nous y avons renoncé bien sûr.
Le Consulat de France a été contacté, nous demandions à être rapatriés. On nous opposa un refus, on ne rapatriait que les cadavres. Nous avons patienté pour reprendre l’avion à la date prévue.

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