samedi 3 mai 2014

Contes et légendes de la ville de Breuillet

Il y a plus de mille ans, à cette époque insolite, pétrie de contes et de légendes, que l’on a nommé le Moyen Âge ; la ville de Breuillet, où se situe notre histoire, n’était qu’un tout petit village entouré de champs et de forêts.
Dans ce faubourg prospère vivaient de nombreuses familles. Parmi elles, celle de la jeune Charlotte, qui aidait du mieux qu’elle pouvait son père veuf, monsieur Tatin, à la boulangerie.
Charlotte ne possédait pour ainsi dire rien, hormis un cheval nommé Mille-feuilles, qu’elle chérissait.
Charlotte apportait régulièrement des pâtisseries de la boulangerie à Mille-feuilles, mais elle veillait aussi à sa bonne santé. Elle le faisait, pour cela, galoper de longues heures à travers champs pour leur plus grand bonheur à tout les deux !
Les habitants du village de Breuillet obéissaient au comte Crumble, qui administrait depuis plusieurs génération un domaine bien plus vaste, allant, disait-on, jusqu’aux portes de Paris.
Le comte Crumble, qui habitait un immense château, aimait afficher sa richesse, il organisait notamment de grands banquets en toutes occasions.
Quand son propre fils, le prince Adrien fût en âge de se marier, le comte Crumble organisa, dans la cours de son château, un banquet d’une ampleur encore inégalée, même par lui-même ; qui rassembla une foule immense, pendant plusieurs jours.
Tous voulaient marier leur fille à l’unique fils héritier du comte, le prince Adrien qui, malgré son apparence angélique, avait la réputation de traiter cruellement ses semblables.
Le père de Charlotte en avait eu vent mais cette rumeur ne l’inquiétait pas.

Attiré par la prestigieuse fortune du comte, monsieur Tatin était convaincu, tout comme les autres pères du village, que sa fille Charlotte ne pourrait pas trouver de meilleur mari, et qu’elle devrait donc tout faire pour s’attirer la préférence du prince Adrien.
Lors du banquet, au moment du dessert, le comte prit la parole pour annoncer à tous qu’il n’offrirait son fils en mariage qu’à la jeune femme la plus méritante.
Pour avoir l’honneur d’être désignée, la future fiancée devrait pour cela triompher de ses concurrentes légitimes à l’issue de trois épreuves.
On installa un tableau d’inscription pour le concours à côté de la table du comte Crumble. Tout comme monsieur Tatin, les autres parents, tels que monsieur Crêpe, monsieur Financier et monsieur Beignet, ne tardèrent guère à ajouter le prénom de leur jeune fille sur la liste des candidates.
Charlotte jouait de son côté dans la cours du château, lorsqu’elle perçut, au pied de l’un des arbres alignés devant elle, un petit bruissement.
Charlotte se rapprocha de l’arbre et vit à son pied une colombe, nommée Meringue, dont la patte s’était coincée dans une racine. Sans hésiter, Charlotte libéra la colombe Meringue, qui s’envola dans le ciel, sous le regard bienveillant de Charlotte.
Le père de Charlotte, monsieur Tatin, qui la cherchait partout depuis qu’il l’avait inscrite sur la liste des prétendantes, vint la trouver près de l’arbre pour lui dire que le concours commençait. Il la gronda car elle avait sali sa robe en libérant la colombe Meringue. Charlotte n’était pas très contente.

Pour la première épreuve, les jeunes filles furent invitées à danser avec le prince Adrien à tour de rôle. Certaines filles, comme Isabelle, la fille du père Gaufre, lui marchèrent sur les pieds. D’autres, telle que Sandrine, la fille du père Fraisier, ne savaient pas du tout danser. D’autres encore, comme la fille du père Macaron, d’émotion, s’évanouirent dans ses bras.
Charlotte ne savait pas particulièrement bien danser, mais elle ne commit aucune maladresse, si bien qu’elle fut sélectionnée pour la seconde épreuve, ainsi que dix autres jeunes filles.
Pour la seconde épreuve, les jeunes prétendantes devaient préparer un gâteau pour le prince. Bien sûr, certains gâteaux étaient trop cuits, comme celui de la fille Nougat. D’autres encore étaient trop sucrés, à l’instar de celui de la jeune demoiselle Brioche. D’autres enfin, à l’image du gâteau de la fille Profiterole, contenaient beaucoup trop de chocolat.
Charlotte, qui avait l’habitude de faire des pâtisseries dans sa boulangerie, conçue un excellent gâteau au citron qui ravit le prince et le comte.
Le prince Adrien désigna Charlotte ainsi que deux autres jeunes filles émérites pour la troisième et dernière épreuve, la plus difficile.
Il leur révéla qu’elles devraient monter à cheval et partir dans la forêt ramener un renard au comte Crumble, car ce dernier souhaitait étoffer sa collection de trophées de chasse.  
Charlotte et son cheval Mille-feuilles partirent au nord de la ville à la recherche du renard, ses deux concurrentes, au sud et à l’est.
Après une longue marche, Charlotte trottait dans la forêt noire lorsqu’elle entendit un bruit qui ressemblait à des pleurs.
En écartant quelques branches pour s’approcher elle découvrit sur un tas de feuilles un renard, nommé Pain d’Epice, dont la patte était prise dans un piège de chasseur. Le renard Pain d’Epice, qui larmoyait de douleur, essayait de retirer le piège mais il n’y arrivait pas tout seul.
Emue par ce pauvre renard en proie à la difficulté, Charlotte aida Pain d’Epice à se détacher. Ce dernier se proposa, en gage de reconnaissance, de l’aider en retour.
Le renard suggéra un plan à Charlotte : puisque le comte voulait un renard, elle n’avait qu’à le lui remettre, le renard pourrait toujours s’échapper ensuite, pendant les fiançailles, quand tous les yeux seraient rivés sur les mariés. C’est ce qu’ils firent.
Charlotte revint avec le renard, elle fut mariée au prince Adrien comme l’avait promis le comte Crumble. Le renard profita de la fête des fiançailles pour s’enfuir en toute discrétion du château.

Tout alla pour le mieux entre Charlotte et Adrien pendant un temps, mais quelques mois à peine après leur union, le prince Adrien ne tarda pas à montrer son vrai visage : celui de la cruauté.
La rumeur disait vraie, le prince Adrien était sous ses faux airs de gentilhomme un personnage malveillant. Malgré les protestations du père Tatin et de sa fille,  le prince Adrien enferma Charlotte dans le château. Il la cacha dans la plus haute tour !
La malheureuse Charlotte y passa des jours et des jours, scrutant du haut de la tour, la vie de son village, dont elle se sentit abandonnée ; lorsqu’un après-midi, un oiseau vint se poser sur l’un des créneaux de la tour. L’oiseau n’était autre que la belle et douce colombe Meringue, sauvée par Charlotte, dans la cours du château quelques temps plus tôt.
Charlotte demanda à la colombe de révéler au renard Pain d’Epice, à son cheval Mille-feuilles ainsi qu’à son son père, monsieur Tatin, où le prince Adrien la tenait secrètement prisonnière. Ce qui fit la colombe.
En apprenant la nouvelle de la bouche de la colombe Meringue, le renard Pain d’Epice, qui était retourné dans sa renardière, retourna au château de Breuillet et se déguisa en garde afin de passer inaperçu.
Le renard Pain d’Epice observa les lieux puis, profitant de la tranquillité de la nuit, parvint à libérer Charlotte sans réveiller les gardes endormis.
Le cheval de Charlotte, Mille-feuilles, et son père, monsieur Tatin, les attendaient cachés dans l’écurie avoisinante.
Dès qu’il la vit, le père de Charlotte embrassa sa fille avec tendresse et lui présenta des excuses sincères pour ne pas avoir su la protéger d’avantage. Les retrouvailles ne furent que de courtes durées car les hennissements du cheval Mille-feuilles, qui était très vraiment joyeux de revoir Charlotte, réveillèrent tout le château !

Le père de Charlotte ordonna à sa fille de partir tandis qu’il tenterait de ralentir les gardes. Il ne les laisserait pas la lui prendre cette fois encore !
Charlotte, Mille-feuilles et Pain d’Epices, tous trois s’enfuirent au galop sous la cloche retentissante du château sonnant l’alarme ; bientôt suivit par le prince Adrien furieux et sa horde de chevaliers, que le père de Charlotte ne put pas retenir bien longtemps.
De son court affrontement avec les chevaliers, monsieur Tatin sortit blessé à l’épaule, mais vivant. Il fût immédiatement ramené au château du comte Crumble.
Charlotte, elle, se cramponnait à Mille-feuilles, qui filait à toute allure, le plus loin possible du château. Elle était suivie de près par un nuage de poussière, soulevé par les sabots des chevaux de la troupe du prince Adrien.
Le nuage se rapprochait de plus en plus de Charlotte, toujours un peu plus, jusqu’à ce que le prince Adrien parvienne à se rapprocher de Charlotte au point de la saisir et de la remette sur son cheval.
Mais le renard Pain d’Epices, qui s’agrippait aux épaules de Charlotte, se jeta sur lui en pleine course et lui fit perdre le contrôle de sa monture.
Le prince Adrien se fit très mal au dos en tombant de son cheval. Le gros de la troupe des chevaliers s’arrêta alors pour le ramener au château, tandis que le renard Pain d’Epices disparaissait dans les fourrés, sain et sauf.
Charlotte, toujours poursuivie par quelques chevaliers, sentit une seconde fois le souffle de la monture de l’un deux dans son dos tant il était proche de l’attraper lui aussi.
Par chance, le chevalier trébucha sur une pierre. Lui et les autres chevaliers ne purent que se résoudre à cesser la poursuite, leurs chevaux étant à bout de souffle.
Quant à Charlotte et Mille-feuilles, ils galopèrent jusqu’à l’épuisement, jusqu’à tomber à leur tour de fatigue, inconscients.

Lorsque Charlotte se réveilla, elle était couchée sur un lit dans une chaumière. Un vieil homme assit sur une chaise devant elle lui adressait des sourires accueillant, elle lui raconta son histoire.
Le vieil homme s’occupa si bien de Charlotte pendant sa convalescence qu’elle fût rapidement rétablie de son aventure. Charlotte confia alors au vieil homme qu’elle serait très heureuse de lui offrir son aide dans les tâches quotidiennes, en retour de l’hospitalité qu’elle avait reçue de lui ; mais qu’elle souhaitait d’abord savoir ce qui était arrivé à son père, pour qui elle se faisait beaucoup souci.
Il lui était peut être arrivé quelque chose !
Le vieil homme, qui avec sa longue barbe blanche, ressemblait à un magicien, siffla, et la colombe Meringue ainsi que le renard Pain d’Epice apparurent.
Le vieil homme leur demanda d’aller voir au château ce qu’il était advenu de monsieur Tatin.
Meringue et Pain d’Epice s’exécutèrent.
A leur retour, ils apprirent à Charlotte et au vieil homme, la bonne nouvelle : le comte Crumble, trop occupé à gérer son royaume, ignorait que son fils le prince Adrien avait enfermé Charlotte.
Quand monsieur Tatin fut amené, blessé, à son château, il fit appeler son docteur personnel, le docteur Eclaire au Chocolat, pour le soigner. Le père de Charlotte, monsieur Tatin, lui raconta toute l’histoire.
Le comte Crumble fit également soigner son fils, le prince Adrien, qui arriva au château peu après monsieur Tatin, avec un mal de dos qui dura des mois. C’était son fils après tout.
Le comte Crumble, qui au demeurant était un homme de bien, juste et bon, présenta ses plus plates excuses à monsieur Tatin pour le mauvais traitement infligé à lui et à sa fille, et il gronda son fils pour son mauvais comportement.
Le mariage fut annulé et le prince Adrien fut privé de dessert pendant deux semaines, ce qui, en définitif, s’apparente à une sanction bien faible, si nous la comparons au préjudice causé.
Charlotte put enfin revenir dans sa chère ville de Breuillet.
Une saison passa, Charlotte ne manquait pas de visiter régulièrement le vieil homme, auquel elle offrait toute sorte de viennoiseries préparées par ses propres soins.
Un beau jour, alors qu’elle s’était rendue chez le vieil homme, un jeune homme se présenta à eux, c’était le fils du vieil homme, qui revenait d’un long voyage dans un pays lointain.
Le jeune homme et Charlotte tombèrent fous amoureux. Le vieil homme était-il vraiment magicien ? Et aurait-il fait boire un filtre d’amour aux deux jeunes gens ? Voilà ce qu’une rumeur colporta, pour ceux qui voulurent y prêter attention.
Il est vrai en revanche, que Charlotte et son beau jeune homme se marièrent peu de temps après ; et que le père Tatin, aidé du comte Crumble, organisèrent, à cette occasion, une très belle fête, à laquelle le prince Adrien ne fut pas invité.
Enfin réunis dans cette belle ville de Breuillet, auprès du père Tatin, de Mille-Feuilles, de Meringue et de Pain d’Epice, Charlotte et son mari vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire